L’Arrêt Rispal et son impact sur les contrats entre concessionnaires d’autoroute

La question de la nature juridique des contrats conclus entre concessionnaires d’autoroute et des personnes privées est un sujet complexe. Pendant longtemps, la jurisprudence Entreprise Peyrot du Tribunal des Conflits imposait que ces contrats soient considérés comme des contrats administratifs, impliquant la compétence du juge administratif en cas de litige. Mais en 2015, l’arrêt Rispal est venu bouleverser cette analyse.

La jurisprudence historique Entreprise Peyrot

Jusqu’en 1963, les contrats passés entre une société concessionnaire d’autoroute et un prestataire privé étaient considérés comme des contrats de droit privé. Mais l’arrêt Entreprise Peyrot du 8 juillet 1963 a changé la donne. En imposant le critère du « lien direct » avec le service public, le Tribunal des Conflits a administrativement qualifié ces contrats.

Ainsi, dès lors qu’un contrat visait l’exécution de travaux nécessaires à la construction de l’autoroute, il était soumis aux règles exorbitantes de droit public. Le juge administratif devenait alors compétent en cas de litige entre les parties.

La portée révolutionnaire de l’arrêt Rispal

Après plus de 50 ans, la jurisprudence Entreprise Peyrot a été abandonnée par l’arrêt Rispal du Tribunal des Conflits du 9 mars 2015. En l’espèce, il s’agissait d’un contrat entre la société ASF et une sculptrice pour la réalisation d’une œuvre sur une aire d’autoroute.

Contrairement à sa jurisprudence historique, le Tribunal des Conflits a estimé que ce type de contrat devait être qualifié de contrat de droit privé. Il a donc acté un revirement majeur, considérant que le concessionnaire n’agit pas pour le compte de l’État dans ces contrats d’exploitation de l’autoroute.

Une évolution jurisprudentielle aux effets limités

Cependant, le Tribunal des Conflits a atténué la portée du revirement Rispal en précisant que l’appréciation de la nature d’un contrat se fait à sa date de conclusion. Ainsi, cette nouvelle analyse ne s’applique qu’aux contrats passés après le 9 mars 2015.

Les contrats antérieurs à l’arrêt Rispal, même conclus entre personnes privées, restent soumis à un régime administratif et relèvent toujours de la compétence du juge administratif. Il faut attendre leur renouvellement pour que le droit privé s’applique.

Un impact limité pour les justiciables

Concrètement, la portée de l’arrêt Rispal est donc restreinte pour les justiciables, puisqu’il ne s’applique qu’aux contrats passés après 2015. De plus, en matière de contrats publics, la jurisprudence analyse toujours leur lien avec le service public pour en déterminer la nature juridique.

Mais à terme, on peut penser que la solution Rispal finira par s’imposer totalement, entérinant le fait que les concessionnaires d’autoroutes n’agissent pas pour le compte de l’État. Les contrats futurs devraient donc relever majoritairement du droit privé.

Définition : qu’est-ce qu’un contrat administratif ?

Un contrat administratif est un contrat conclu entre une personne publique (État, collectivité territoriale, établissement public…) et un cocontractant public ou privé, qui comporte des clauses exorbitantes du droit commun. Ces clauses lui confèrent des prérogatives de puissance publique.

Exemple de contrat administratif

Le contrat conclu entre une commune et une entreprise pour la collecte des ordures ménagères est un contrat administratif. Il comporte des clauses exorbitantes permettant à la commune de modifier unilatéralement le contrat ou de le résilier pour motif d’intérêt général.